EUSKARA? : Une inscription paléo-hispanique retrouvée dans le nord de la Navarre

Les trois signes identifiés pourraient correspondre à « ikae » ou « igae », la pente en langue basque. La découverte représente un nouvel exemple d'alphabétisation ancienne.

Rédaction Atalaia

10/21/2024

Située dans le nord de la Navarre, le village de Lantz est déjà célèbre depuis longtemps grâce à son carnaval et ses danses typiques. La commune sera dorénavant également connue pour son patrimoine archéologique. Des chercheurs de la Direction générale de la culture du gouvernement autonome navarrais viennent de découvrir une inscription paléo-hispanique d'environ 2 000 ans dans la mine Aierdi VIII, dans la commune de Lantz. C'est la première fois que de telles inscriptions sont découvertes dans une mine de la péninsule ibérique. Les écritures paléo-hispaniques sont des systèmes d'écriture créés dans la péninsule ibérique avant que l'alphabet latin en devienne le système d'écriture dominant.

“Cette inscription est importante non seulement pour le caractère exceptionnel de son contexte archéologique, mais aussi parce qu'elle constitue un nouveau document d'alphabétisation ancienne sur le territoire, à une époque où les processus de romanisation et de latinisation étaient déjà avancés, mais où les langues vernaculaires étaient encore utilisées et écrites” explique l'archéologue du gouvernement foral de Navarre Txus García Gazolaz.

Une inscription en euskara ancien?


Les trois lettres appartiennent à un signe paléo-hispanique et peuvent être transcrits comme
« ikae » ou « igae ». Cependant, compte tenu de la brièveté du texte et de l'absence de support comparatif, il semble difficile de déterminer avec certitude dans quelle variété de signes paléo-hispanique il est écrit et à quelle langue il doit être attribué. Étant donné le lieu où il a été trouvé, il est possible qu'il s'agisse d'une inscription basque, une hypothèse qui serait soutenue par la similitude avec les mots « ikae » et « igae ».

Au XVIIe siècle le poète Arnaud Oihenart avait, par exemple, utilisé le mot basque « ik(h)ai » pour désigner une pente. Cependant, selon les archéologues et les linguistes basques, la méconnaissance de la réalité linguistique de l'époque oblige à prendre cette hypothèse avec prudence. “Il semblerait qu'un ouvrier de la mine a utilisé sa langue habituelle” lance Txus Garcia Gazolaz. Laquelle? Le mystère reste entier.


Une découverte insolite

L'inscription est située à 61 mètres de l'entrée de la grotte et à une profondeur de 18 mètres. Elle se trouve sous le plafond, sur la paroi nord, à 84 cm du sol, sur une strate d'argile et de gravier. Les trois signes identifiés, inscrits dans l'argile, occupent une surface de 23 cm de long et 13 cm de large, et ont été réalisés à l'aide d'un instrument tranchant à pointe. Les sillons ont une largeur de 4 à 6 mm et une profondeur de 2 à 9 mm, en fonction de la pression exercée par le graveur.

Datée en laboratoire par le carbone 14, l'inscription a pu être réalisée il y a environ 2 000 ans, en plein processus d'exploitation minière à l'époque romaine. Bien qu'il existe des preuves que les premières opérations minières aient pu commencer à la fin de la préhistoire, il semble que le complexe avait été mis en pleine activité à la fin de la période préhistorique, coïncidant avec la construction de la route Pompelo-Oiasso, qui aurait garanti l'évacuation efficace de la production vers diverses destinations.

Selon Txus García Gazolaz “il semble possible que l'administration romaine ait mis en marche et organisé le complexe minier à ses moments les plus importants d'utilisation et d'exploitation. Les premières recherches montrent qu'il aurait pu devenir l'une des zones minières les plus importantes des Pyrénées occidentales dans l'Antiquité”.


Le complexe minier de Lantz


En collaboration avec la mairie de Lantz, la Direction générale de la culture-Principe de Viana se charge de ce projet de catalogage et de recherche du complexe minier de Lantz.
Depuis 2022, une équipe multidisciplinaire et internationale de chercheurs de différentes disciplines, telles que l'archéologie, la géologie, la chimie, la spéléologie ou l'épigraphie, provenant de divers centres de recherche, comme les universités de Toulouse, du Pays basque, de Burgos ou de Barcelone, travaillent autour de la mine navarraise.

Compte tenu de l'importance de la découverte et de la vulnérabilité du site archéologique, la Direction générale de la culture-Principe de Viana a décidé de fermer la mine Aierdi VIII et d'en limiter l'accès à des usages exclusivement liés à des activités de recherche. Les travaux ont commencé par la prospection archéologique d'une zone de près de 2 km2 qui englobe le ravin d'Aierdiko Erreka et dans lequel se trouve le complexe minier. Les travaux de cette campagne ont permis de localiser plus de 30 sites d'exploitation à ciel ouvert et des galeries d'exploitation souterraines.


Après la main d'Irulegi, l'inscription de Lantz


La découverte effectuée récemment à Lantz, au nord de Pampelune, fait bien évidemment penser à
la main en bronze vieille de plus de 2 000 ans découverte à Irulegi, au sud de la capitale navarraise. Cette feuille de bronze en forme de main exhumée en juin 2021 serait la preuve la plus ancienne d’existence de la langue basque, dont l’origine reste un mystère.

L'analyse des quatre lignes d’inscriptions de ces signes graphiques paléo-hispaniques, a permis de reconnaître le mot : “sorioneku”, qui signifie actuellement “de bonne fortune” ou “de bon augure” en langue basque.

Datant du Ier siècle av. J.-C., selon la Société des sciences Aranzadi la main d’Irulegi serait ainsi, de loin, la plus vieille preuve écrite de l'euskara, ou plus précisément son ancêtre. Le plus ancien texte connu jusqu’ici datait du XVe siècle, 1 500 ans plus tard.