Achille Muller : "il fallait sauver l'Europe pour vivre en paix"
Achille Muller est un véritable héros de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir rejoint le général de Gaulle, il s'est s'engagé dans des unités d'élite qui ont participé activement à la Libération de la France. Cet ancien combattant très impliqué dans le travail de mémoire était de passage à Sare il y a quelques jours.
Achille Muller a fait carrière dans l'armée jusqu'au grade de colonel, grand-croix de la Légion d'honneur. À 99 ans et demi, il est le dernier membre des Special Air Force encore vivant à avoir été parachuté en Bretagne en juin 1944. Le vétéran a accompagné le président de la République pendant les cérémonies de commémoration des 80 ans du débarquement en Bretagne et en Normandie. Rencontre.
Atalaia : Vous allez bientôt avoir cent ans et vous continuez à témoigner, pourquoi?
Achille Muller : C'est un devoir parce qu'après nous il n'y aura plus personne. Alors tant que je vivrais, je témoignerai. C'est absolument indispensable pour la jeunesse d'aujourd'hui. Il faut que tout le monde sache ce qu'il s'est passé.
Atalaia : Quels souvenirs gardez vous du débarquement?
Achille Muller : J'ai sauté de ma Jeep pour embrasser le sol de France. Vous n'imaginez pas l'émotion que c'était. 80 ans plus tard, lors de mon allocution aux côtés du président de la republique, j’ai rendu hommage à mes compagnons tombés au combat car ils sont là, les fantômes de ma jeunesse, souriants, et maigres. Ils passent et repassent. Plus tard, on se téléphonait, les anciens, et on disait : Lequel de nous sera le dernier des Mohicans ? Je suis le dernier des Mohicans!
Atalaia : Pourquoi est ce que vous vous êtes engagé? Vous étiez alors très jeune...
Achille Muller : Joseph Goebbels le responsable de la propagande nazie est passé un jour dans notre ville à Forbach. Et là, j'ai eu la triste vision de tous ceux qui avaient la trouille et qui levaient le bras. Ils n'avaient rien de Hitlerien mais ils avaient agi de la sorte par peur. Il y avait beaucoup de policiers et moi avec le toupet d'un gamin de 17 ans, je me suis mis les mains dans les poches, et j 'ai refusé de lever la main. Personne ne m'a rien dit. C’était juste avant que je ne parte rejoindre le général De Gaulle. La Lorraine, c'était le Reich et les jeunes hommes devaient servir dans l'armée allemande. J’ai préféré partir. Un sacré périple de plusieurs mois pour traverser la France, l’Espagne et rejoindre le Royaume Uni par Gibraltar.
Atalaia : En plus de la Deuxième Guerre mondiale, plus tard vous avez combattu aussi en Indochine et en Algérie. Avez vous eu peur?
Achille Muller : Non, parce que la peur c’est la mort certaine. Si vous avez peur, vous perdez quelques secondes, et l’ennemi tire plus vite que vous. Nous ne voulions pas tuer mais nous étions obligés, sinon... Ce ne sont pas les militaires qui font la guerre. Ce sont toujours les responsables politiques qui décident cela.
Atalaia : Vous vivez actuellement dans le Béarn et avez aussi des contacts au Pays Basque, notamment à Sare, le village un de vos camarades, Victor Iturria…
Achille Muller : C’était un très bon camarade. Un type qui ne parlait pas inutilement, et qui ne buvait pas. C’était un combattant sur lequel on pouvait compter. Il suffisait de dire, on a besoin de toi, et il venait. C'était un type extraordinaire.
Atalaia : Un résistant qui a perdu sa vie…
Oui, en août 1944. Il a voulu arrêter quelqu'un qui était un dénonciateur. Il y avait quand même pas mal de collabos, et ce fut une erreur. Il a laissé sa vie dans cette embuscade. Alors on a raconté qu'il aurait été attaché à sa jeep et traîné sur la route. Cependant, un officier allemand a écrit, j'étais sur place et ce n'est pas vrai, et personnellement je crois cet officier. Je suis heureux de pouvoir encore témoigner auprès des jeunes élèves, notamment à Sare.