1914-1918 : plus de 6.000 basques ont perdu la vie

Lors de la Première Guerre mondiale, le Pays Basque a perdu six mille habitants, ce qui représente 3% de la population à l'époque. La moitié des victimes avaient moins de 28 ans. Ce 11 novembre de nombreuses communes célébrent des cérémonies de commémoration.

Franck Dolosor

11/11/2024

Dix millions de morts, vingt millions de blessés, et plus de six mille victimes originaires du Pays Basque lors de la Grande Guerre. C'était 3% de la population. 580 morts rien que parmi les jeunes Bayonnais. La moitié des victimes avaient moins de 28 ans.

Sur les 22.000 habitants que comptait alors la province de la Soule, mille sont morts au combat. Dans le Labourd, la commune de Bassussarry avait alors perdu 10% de ses habitants. Une famille de ce village avait même perdu cinq de ses huit enfants.

Les combats avaient eu lieu à des centaines de kilomètres du Pays Basque mais à Saint Jean de Luz, treize marins avaient trouvé la mort lors de manoeuvres liées à la Grande Guerre.

La journée du 11 novembre n'est pas férié en Espagne, étant donné que le pays n'avait pas participé au conflit. Parmi les victimes, on compte cependant 77 citoyens originaires du sud de la Bidassoa qui avaient combattu au sein de la Légion Étrangère : 14 étaient de Donostia-Saint Sébastien, 12 de Bilbao et 8 d'Irun.

Lors de la Grande Guerre, de nombreux blessés furent transportés à Hendaye ou à Larresore où se trouvent une soixantaine de tombes de soldats tombés entre 1914 et 1918 (voir ci dessous). Au Pays Basque, des centaines de jeunes ont fait le choix de l'insoumission ou de la désertion, notamment en passant la frontière et en se réfugiant dans le nord de la Navarre.

La Grande Guerre

En août 1914, le gouvernement français mobilise 25 000 labourdins, bas-navarrais et souletins, des hommes âgés de 18 à 49 ans. En 1870, la France avait perdu la guerre contre la Prusse et la reconquête des territoires d'Alsace et de Lorraine était alors une question d'honneur.

Le premier habitant du Pays Basque à mourir au combat est Joseph Andrieu. Originaire de Bidache, il avait à peine 21 ans. Dans le livre « Lehen Mundu Gerra eta Euskal Herria » (Elkar), le journaliste et enseignant Eneko Bidegain rappelle que la plupart des Basques avaient été incorporés au sein du 49e régiment d'infanterie à Bayonne et dans le 18e à Pau.

Le 20 août 1914, 47 autres Basques meurent à Gozée, près de Charleroi, et deux jours plus tard, 69 autres habitants du Labourd, de la Basse-Navarre et de Soule perdent la vie également. C'est le début d'une tragédie qui durera quatre longues années. En quelques jours, 266 basques perdent la vie et l'écho de cette catastrophe ne tarde pas à atteindre le pays des basques où la population comprend la tragédie qui l'attend, une guerre qui durera bien plus longtemps que prévu.

Souvenirs de la Première Guerre mondiale

Ellande Garikoitz est né en 1891 dans le village bas-navarrais de Hozta. Lors d’un entretien accordé au début des années 80 au journaliste de la radio basque “Gure Irratia” Xipri Arbelbide et publié par la maison d'édition Maiatz sous le titre « Hamalaueko gerla, hamalau lekuko », Ellande Garikoitz explique qu'il a été mobilisé le jour même où il a terminé son service militaire. Il ignorait que la France était en guerre et, sur le chemin du retour, il a été mobilisé alors qu’il se trouvait en gare de Bordeaux. Il a dû retourner à la caserne de Rochefort et, quelques jours plus tard, il a été envoyé à Arras, où il s'est retrouvé face à une armée allemande lourdement armée. Le premier jour, un obus tua quatre de ses camarades. Quelques jours plus tard, il est touché à la jambe par une balle allemande et ne peut toujours pas rentrer chez lui. Les autorités l'envoient se reposer puis retourner au front. Elles sont conscientes que pour des soldats vivant si près de la frontière avec la Navarre, la tentation de déserter est immense.

Insoumis et déserteurs


Peu avant la mobilisation générale, les autorités redoutaient la préparation d'un exode massif de jeunes vers le sud des Pyrénées. L'émigration était habituelle au début du XXe siècle. Des milliers de Basques sont partis en Amérique et très peu sont revenus pour participer à la guerre. En 1918, le département basco-béarnais des Basses-Pyrénées compte
16 889 insoumis et 1 086 déserteurs.

Beaucoup d'hommes s'installent dans le nord de la Navarre et dans la province du Gipuzkoa. Parmi les insoumis les plus célèbres figure Jean Baptiste Dongaitz, joueur de pelote originaire d'Urrugne. Il avait refusé d'aller à la guerre et avait préféré participer aux parties de pelote organisées à l’occasion des fêtes patronales de Lesaka en 1915.

À Sare, le bertsulari (improvisateur de vers) Michel Dargaitz, avait dû aller au combat, mais il avait profité de quelques jours de repos chez sa sœur à Bayonne pour traverser la frontière et s'installer à Amaiur dans la vallée navarraise du Baztan. Pendant des décennies, il n'a pas pu retourner dans son village natal de Sare...

Débat

À l'époque, les autorités locales, le clergé et la presse du Pays Basque soutenaient la participation des citoyens dans le conflit. Quelques voix s'étaient tout de même élevées pour critiquer cette position, notamment celle de l'improvisateur en langue basque de Senpere-Saint Pée sur Nivelle, Matxin Irabola. Le bertsulari lui même avait été gazé lors de son déplacement au front.


En 1914, Irabola avait déjà 35 ans et était père de deux enfants. Cependant, il avait dû se battre pendant quatre ans. Il est revenu blessé après avoir été exposé à des gaz toxiques comme l'ypérite.

Dans ses improvisations chantées en euskara, Matxin Irabola critique le fait que “les plus pauvres doivent payer pour les caprices des plus paresseux qui eux sont toujours bien loin du front”. Le senpertar dénonce que “certains s'enrichissent grassement pendant que d'autres perdent la vie”.

Matxin n'a jamais pardonné que 400 habitants de son village aient été mobilisés du jour au lendemain. 85 sont morts et beaucoup de ceux qui sont revenus ont été blessés et handicapés à vie.

Ces combattants n'ont jamais oublié les mauvaises conditions dans lesquelles ils ont dû survivre, notamment dans les tranchées.

Les plus âgés se souviennent encore des histoires de leurs pères et de leurs grands-pères. La boue, le froid, le manque d’hygiène, la présence de souris et de poux, et le manque de nourriture et de sommeil étaient alors leur quotidien. D'anciens combattants ont raconté qu'à certaines occasions, ils étaient même obligés de boire leur propre urine ou celle des chevaux pour lutter contre la soif, car ils ne pouvaient pas sortir des tranchées.

La victoire

La Première Guerre mondiale a éloigné les basques du sud et du nord, et a renforcé le sentiment d'appartenance à la France, aujourd'hui majoritaire. De nombreux citoyens se demandent encore comment peut on parler de victoire après avoir perdu des milliers d'habitants en quatre ans. L'assimilation à la nation française se met alors en place et s'accentue même quelques années plus tard lors de la Seconde Guerre mondiale.

À chaque fois, les agriculteurs, les ouvriers, les instituteurs, les curés, les poètes et les musiciens manquent à l'appel car tous les hommes valides doivent partir au combat ; les cimetières se remplissent et le rôle des femmes est décisif pour faire avancer le pays. Dans le recueil de témoignages signé Xipri Arbelbide, une femme raconte qu'à l'âge de 18 ans, elle devait porter jusqu'au grenier des sacs de grain pesant 80 kilos. Les femmes ont dû attendre quatre décennies supplémentaires avant d’obtenir le droit de vote.

Les pacifistes sont censurés et persécutés. Un pacifiste allemand a été emprisonné pendant quatre ans pour avoir critiqué la guerre en public. Un anglais est interné dans un hôpital psychiatrique pour la même raison. Et des dizaines d'anglais et de français ont même été fusillés pour avoir refusé d'aller au front. Pour qu'ils n'aient pas l'idée d'agir de la même manière, les autres soldats sont contraints de défiler devant leurs cadavres.

Conscients qu'ils risquaient fort de perdre la vie au front, certains d'entre eux ont exigé d'être fusillés sur place. Leur détermination en faveur de la paix est le socle de l'Europe d'aujourd'hui...

Commémorations

À l'occasion de la Journée de commémoration du 106ème anniversaire de l'Armistice de 1918, plusieurs municipalités ont organisé des cérémonies, notamment à Bayonne, en lien avec le centenaire du Monument aux Morts et en présence de l’Harmonie Bayonnaise.

9h - Cimetière Saint-Léon - Porte Nord :

Lever des couleurs.

« Au drapeau ».

Dépôt de gerbes.

Sonnerie « Aux Morts » - Minute de silence.

Lecture du texte sur l’histoire de la Crypte aux Morts de toutes les guerres

Visite de la Crypte par les autorités et les délégations d’Anciens Combattants.

10h - Monuments aux Morts - Esplanade de Verdun


Arrivée de M. le Sous-Préfet, accueilli par M. le Maire et le Commandant du 1er RPIMa, et début de la cérémonie.

« Au drapeau » - « Marseillaise » refrain (fanfare du 1er RPIMa).

Revue des troupes - Remise de décorations.

Ravivage de la flamme.

Lecture du Message de l’U.F.A.C.

Lecture du Message du Ministre délégué auprès du Ministre des Armées et des Anciens Combattants.

Dépôt de gerbes par les autorités.

Dépôt de fleurs par les enfants des écoles bayonnaises.

Sonnerie « Aux Morts » - Minute de silence.

« Marseillaise » chantée par les enfants des écoles bayonnaises.

Hommage aux Porte-drapeaux en musique « Le Régiment de Sambre-et-Meuse », par la fanfare du 1er RPIMa.